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Dans les dernières semaines, j’ai publié certains articles de blogue pour tenter de vous sensibiliser aux conséquences de 1074.2 du C.c.Q qui a pris effet le 13 décembre 2018. Cette nouvelle obligation pose en effet beaucoup de problèmes actuellement lorsque vient le temps pour un syndicat de réclamer sa franchise à un copropriétaire présumé fautif ou lorsqu’il souhaite que les travaux soient réalisés pour un sinistre en deçà de la franchise du syndicat.
Comme le sujet est complexe, Me Stefania Chianetta (Chianetta avocats), Mme Hélène Vallerand (Laucandrique) et moi-même (SolutionCondo) nous sommes rassemblées pour rédiger un document vulgarisant les conséquences de cette nouvelle disposition du Code civil du Québec. Ce document présente également les différences dans le traitement de 2 sinistres afin de vous sensibiliser aux changements survenus depuis le 13 décembre 2018 et faciliter votre compréhension.
Ce document bilingue peut être consulté en CLIQUANT ICI. Il vous permettra de bien comprendre ce qui a changé dans la loi pour votre syndicat et vos copropriétaires.
Une fois qu’on comprend les problématiques, encore faut-il trouver des solutions. Voici donc également une analyse de ma compréhension des enjeux et des solutions qui pourraient être envisagées. À ce point-ci, je préfère avertir le lecteur que je ne suis pas avocate mais bien comptable professionnel agréé et administrateur agréé et que ce texte ne sert qu’à alimenter les réflexions déjà en cours dans l’industrie. Bien humblement, il s’agit uniquement de mes idées, lesquelles découlent toutefois de mes 10 ans d’expérience dans l’industrie de la copropriété. Si vous voyez d’autres solutions que celles proposées, je vous invite à commenter cet article de blogue pour me les transmettre et ainsi alimenter davantage le débat avant que cet article 1074.2 ne soit aboli ou corrigé.
Changement # 1 suite à 1074.2 :
Ma compréhension est qu’il existe 2 types de régimes en termes de responsabilité. Le site web du Réseau juridique du Québec vulgarise bien les nuances de la responsabilité civile contractuelle (par opposition à celle extracontractuelle) pour ceux qui seraient intéressés d’approfondir leur compréhension.
Ainsi, ma compréhension est que l’avantage d’avoir accès à la déclaration de copropriété (régime contractuel) et la clause standard qu’y insère les notaires depuis plusieurs dizaines d’années, est qu’elle fait en sorte que le syndicat n’a pas à prouver la faute pour engager la responsabilité d’un copropriétaire ayant causé un dommage au syndicat. En effet, le copropriétaire étant responsable de ses gestes, ceux de ses invités et des biens dont il est légalement responsable, il a le fardeau de faire la preuve qu’il n’est pas fautif s’il souhaite se soustraire à sa responsabilité.
Ainsi, avant 1074.2 du C.c.Q, ma compréhension est que les assureurs qui protégeaient la responsabilité civile des copropriétaires prenaient pour acquise la présomption de faute des copropriétaires lorsque le syndicat engageait leur responsabilité par la déclaration de copropriété. C’était eux qui faisaient le choix de ne pas dépenser en frais d’avocat pour faire la démonstration devant un juge que leur assuré n’était pas fautif.
Proposition # 1 au gouvernement
Pour régler la déresponsabilisation et éviter d’engorger les tribunaux avec les multiples litiges somme toute mineurs qu’amènera 1074.2 du C.c.Q, l’abolition de l’article demeure selon moi la meilleure option. Si cela est impossible pour diverses raisons, une autre solution serait peut-être de retirer de l’article la phrase ”Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa.”, ce qui nous permettrait d’utiliser à nouveau notre déclaration de copropriété pour engager la responsabilité des copropriétaires causant des sinistres puisqu’il serait ainsi de nouveau possible de prouver très facilement la “faute”. Sans la déclaration de copropriété, il semble être beaucoup plus difficile d’alléguer la “faute” et de faire en sorte que l’assureur y adhère suffisamment pour éviter qu’on aille en débattre en cour.
Comme vous le savez, un syndicat de copropriété ne choisit pas ses copropriétaires. Ainsi, à mon avis, il ne devrait donc pas être pénalisé par les gestes de l’un de ceux-ci, ni avoir le fardeau de prouver sa faute lorsqu’un dommage est causé par ses biens, ses gestes et ceux de ses invités. La responsabilité “sans-faute” qu’implique la déclaration de copropriété me parait donc tout à fait à propos pour éviter que le conseil d’administration n’ait à tenir des enquêtes qui n’en finisse plus pour prouver la “faute” de leur “voisin” copropriétaire. Le but d’une déclaration de copropriété est d’ailleurs d’encadrer les relations entre les copropriétaires pour maintenir l’harmonie dans la communauté qui est forcée de vivre ensemble. Selon moi, il est donc préférable de la maintenir en force pour départager les responsabilités et simplifier la présomption de faute.
Changement # 2 suite à 1074.2 :
Par le passé, la franchise du syndicat n’était pas qualifiée de “charge commune” comme c’est le cas depuis l’arrivée de l’article 1074.2 du C.c.Q.
Ma compréhension est que l’article 1074.2 du C.c.Q. qualifie dorénavant la franchise d’assurance du syndicat comme une ‘’charge commune’’. Ainsi, cela est venu complexifier la possibilité que les copropriétaires soient indemnisés par leur propre assureur lorsque les dommages sont sous le niveau de la franchise du syndicat. En effet, cette couverture qu’avait les copropriétaires, gentiment surnommé ‘’insuffisance d’assurance’’, n’existe plus depuis l’adoption de 1074.2 du C.c.Q. puisque seule une indemnisation en responsabilité civile pourrait exister si un syndicat arrivait à prouver la faut d’un copropriétaire.
Évidemment, ce désir de restreindre ce qui pouvait être indemnisé découle certainement d’abus. J’ai compris, à la lecture d’une formation du Bureau d’assurance du Canada (BAC), que les assureurs de copropriétaires sinistrés à la suite d’un dommage causé par une partie commune (ex : manque d’entretien d’une colonne sanitaire qui refoule dans des condos) indemnisaient les copropriétaires sinistrés lorsque les dommages étaient en deçà de la franchise du syndicat. Toutefois, ils n’allaient quasi jamais en subrogation, sans doute vu les frais juridiques prohibitifs que cela impliquait en comparaison de la somme d’indemnité à verser. Malgré tout, cela est un non-sens à mon avis, car cela n’encourageait clairement pas les syndicats à la prévention. Je comprends tout à fait que les assureurs ne veuillent pas payer pour ce type de sinistres puisque dans ces cas, leurs assurés ne sont clairement pas fautifs, mais bien des victimes du manque d’entretien des syndicats.
Pour ma part, j’ai toujours cru que ces assureurs allaient systématiquement en subrogation contre les syndicats dans ces cas de figure, afin d’être remboursés des sommes engagées en réparation. Toutefois, cela ne semble pas avoir été la norme et il est évident que les assureurs devaient être passablement ennuyés de payer.
En contrepartie, est-ce souhaitable pour la protection des bâtiments et des consommateurs, de dire que la franchise devrait être une “charge commune” comme le fait 1074.2 du C.c.Q pour que les assureurs des copropriétaires n’aient plus à indemniser leurs assurés pour les sinistres sous le niveau de franchise du syndicat. À mon point de vue, pas du tout. Ma compréhension est que c’est ce changement qui fait en sorte que ce sont dorénavant les syndicats de copropriété qui doivent s’occuper de régler ces sinistres de moindres ampleurs alors qu’avant c’était les assureurs des sinistrés qui s’en chargeaient.
Par ailleurs, est-ce l’argument de dire que la franchise du syndicat devrait être une “charge commune” puisqu’elle découle du choix du syndicat ? Selon moi, pas du tout, dans la mesure où le niveau de franchise est dans la majorité des cas dicté par les assureurs eux-mêmes. Je doute qu’un syndicat ait choisi volontairement de mettre sa franchise de dégât d’eau à 100 000 $ voire 150 000 $. C’est le marché de l’assurance qui dicte ces franchises parfois élevées. Par ailleurs, pour s’assurer que tout le monde, tant les assureurs que les syndicats demeurent raisonnables dans la détermination du niveau des franchises, le gouvernement a ajouté l’article 1073 au Code civil du Québec pour s’assurer que les franchises demeurent raisonnables. Il n’y a donc plus lieu de craindre les abus en cette matière et d’ainsi sursolliciter les clauses d’insuffisance d’assurance qui existent aux polices d’assurance des copropriétaires.
Proposition # 2 au gouvernement :
Pour ma part, je trouverais tout à fait normal que, si les copropriétés québécoises veulent maintenir l’accès à la déclaration de copropriété pour engager facilement la responsabilité des copropriétaires en cas de sinistre, qu’on clarifie le Code civil du Québec pour s’assurer que les assureurs des copropriétaires puissent facilement être dédommagés par le syndicat de copropriété lorsqu’un dommage est causé par une partie commune qui n’est pas une partie commune à usage restreint (ex : colonne de plomberie sanitaire principale qui refoule, toiture qui coule, etc.), afin d’éviter à ces derniers de devoir engager des recours en subrogation devant les tribunaux et qu’il y ait de l’abus comme on a pu en connaître par le passé en termes d’utilisation des couvertures d’insuffisance d’assurance qui existent aux polices d’assurance des copropriétaires.
En conclusion :
Je n’ai pas la prétention de dire que la solution de modification que je propose pour corriger l’article 1074.2 C.c.Q actuellement en vigueur est LA solution parfaite. Toutefois, je suis très ouverte à en discuter avec les acteurs pertinents à ce débat, mais surtout d’en débattre afin de trouver la meilleure solution pour éviter d’engorger les tribunaux québécois avec moult litiges et de créer des coûts supplémentaires qui n’existaient pas auparavant pour les syndicats, alors même qu’on souhaite notamment qu’ils investissent des sommes significativement plus élevées qu’aujourd’hui dans leur fonds de prévoyance (projet de loi 16).
Je suis d’avis, que si nous étions en mesure de bien comprendre les objectifs recherchés par la rédaction de 1074.2 C.c.Q, qu’il serait possible de trouver une solution acceptable pour les assureurs et les syndicats, mais surtout qui encourage réellement tous les acteurs de l’industrie à la prévention.
Élise Beauchesne, CPA, CA, Adm.A
Associée-fondatrice
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Johanne Lapointe dit :
11 août 2019 À 14 h 30 min
On sait que les copropriétaires veulent payer le moins possible pour les frais de condo et ne veulent pas payer une cotisation spéciale et utilise le fond de prévoyance à outrance.
Pourquoi le gouvernement n'instaure-t-il des barèmes pour les frais de condos (à titre indicatif) en se basant sur le nombre de condos, l'âge du bâtiment et des travaux d'entretien. La trésorerie aurait une bonne idée des frais de condo et ajouterait les autres frais déjà prévu. Ceci faciliterait grandement le travail des syndicats et par le fait même, diminuerait les arguments lors des assemblées générales.
Avec les nouvelles modifications apportées par le gouvernement, les sommes exigées tels que les inspections par évaluateur agréé à tous les 5 ans et faire un rapport d'entretien par un expert, représente pour des bâtiments de 6 condos une augmentation de 400% plus le montant de la franchise en cas de dégâts d'eau ($5000 selon BAC). Ceci aura un effet pervers sur les ventes de condos. N'oublions pas que ce sont les assureurs qui en ressortent gagnants et non les copropriétaires.
Diane Dutka dit :
4 mai 2019 À 0 h 39 min
Pourquoi ne pas demander à la Ministre qui a voulu cet amendement (le lobby des assurances? les avocats et notaires? le Regroupement des gestionnaires de copropriétés?), dans quel but, en quoi il s'agit d'une amélioration tant pour les copropriétaires que pour les syndicats?
Enfin, la Ministre devrait elle-même publier les explications dont nous avons besoin pour comprendre la nécessité de ces changements. Les spéculations amènent de la confusion...
Je suis en copropriété depuis 20 ans et je croyais que la franchise d'assurance était une charge commune puisque ce sont les copropriétaires qui la paie au bout du compte ( soit qu'ils assument la perte via le choix du syndicat ou via les assurances de la copropriété qui doit nous la refiler lors d'un renouvellement d'assurance !). Aujourd'hui, ces franchises sont tellement élevées que ça équivaut à ne pas être assuré! Et pourtant on paie des primes élevées pour nos assurances.
Robert Ledoux dit :
2 mai 2019 À 10 h 04 min
L’argument est intéressant mais ne répond malheureusement au défi de l’insuffisance d’assurance du syndicat que les polices privées devaient couvrir.
Plusieurs copropriétaires étaient sous-assurés pour ce défaut d’assurance, ce qui occasionnait de sérieux problèmes.
Les compagnies d’assurances « poussaient » les franchisés vers les assureurs des unités privatives. Un autre problème demeure la difficulté d’avoir accès aux preuves d’assurances adéquates des copropriétaires comme le prévoit le Code civil.
diana Dereser dit :
2 mai 2019 À 0 h 24 min
Merci Mme Elise pour nos aider a resoudre si complexe probleme
Attentivement- Diana Dereser
Michel Paquette dit :
1 mai 2019 À 12 h 15 min
J'ai bien aimé vos commentaires et solutions proposées.
Bien qu'il est facile de comprendre que les assureurs veulent mettre un terme au abus. Les réclamations pour des dommages mineurs sont nos pires en ennemis. .
C'est sur ce point que nous devrions tous travailler.
Je suis en faveur de laisser tomber la clause 1074.2 et compenser par plus de prévention. C'est cette élément qui devrait jouer en faveur des syndicats.
Plus on démontre les efforts pour éviter les dégâts d'eau(exemple), plus il est facile de démontrer la responsabilité de chacun.
Michel Paquette