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Je ne cesse de voir des articles qui commentent positivement la nouvelle loi 141 adoptée le 13 juin 2018 et malheureusement, je ne peux qu’être en désaccord avec plusieurs des nouvelles obligations que cette loi impose. Je souhaite donc y réagir pour vous donner mon opinion.
En effet, je trouve que cette loi crée des obligations qui vont augmenter les coûts d’assurance et les charges financières des copropriétaires, sans régler les réels problèmes que vivent certains immeubles en copropriété qui ne font pas suffisamment de prévention pour contrer les imprudences et la négligence de certains copropriétaires quant à l’entretien de leur unité. Le réel problème c’est la fréquence des dégâts d’eau qui représente 95% des sinistres.
Commençons par le fameux fonds d’auto-assurance prévu dans la nouvelle loi 141, car c’est un des articles dont on se serait bien passé. Techniquement, les syndicats ont jusqu’en décembre 2020 pour cotiser un fonds dont le montant sera déterminé dans un règlement gouvernemental à venir. Il semble selon les rumeurs que le montant pourrait représenter 2 fois la valeur de la franchise de dégât d’eau, laquelle est habituellement la plus élevée.
Tout d’abord, il faut comprendre qu’une majorité des sinistres dans les immeubles en copropriété sont dus à des dégâts d’eau causés par un manque d’entretien des unités de condo ou un manque de prudence (voire de négligence) des gens qui habitent le bâtiment. Les sinistres majeurs sont rarement dus à un manque d’entretien de l’immeuble par le syndicat.
C’est d’ailleurs pour cette raison que bon nombre de syndicats de copropriété prennent volontairement la décision d’augmenter la franchise d’assurance de leur immeuble puisqu’ils savent pertinemment qu’il est peu probable qu’ils aient à l’utiliser. En effet, dans presque tous les cas de sinistre, il y aura un fautif autre que le syndicat et en conséquence quelqu’un pour assumer la franchise d’assurance du syndicat ou assumer les dommages s’ils sont en deçà de la franchise puisque dans ces cas ce sont les assureurs des sinistrés qui seront sollicités et se retourneront vers celui du fautif s’ils n’ont pas renoncé à leur droit de subrogation. Le syndicat est alors en mesure de maintenir son dossier d’assurance en bon état au niveau des réclamations. Actuellement, c’est la seule façon de responsabiliser un tant soit peu les copropriétaires à la prévention que de leurs dire qu’ils seront tenus responsables de payer la franchise du syndicat ou les dommages qu’ils causent à l’immeuble.
L’aspect négatif de ceci, est qu’on cause ainsi une distorsion dans la réalité du marché, car on renvoi les sinistres qui sont en deçà de la franchise vers les assureurs des copropriétaires, rendant certainement moins rentable le secteur de l’assurance des particuliers qui s’adresse aux copropriétaires individuels. Le règlement de ces sinistres est par ailleurs, plus complexe, car il prend pour acquis que tous les sinistrés réclament à leurs assureurs et que chacun des copropriétaires devront payer leur franchise et ensuite la réclamer au fautif. Un paquet de troubles que plusieurs souhaiteraient certainement éviter et qui ne seraient pas une réalité s’il n’y avait pas eu de sinistre.
D’où mon prochain point : pourquoi ne pas inciter les syndicats dans des mesures de prévention des sinistres. Cela éviterait réellement des drames et règlerait une partie du problème à sa source même. Actuellement, la loi 141, préfère les forcer à créer un fonds d’auto-assurance sous prétexte que cela permettra d’avoir les liquidités requises pour assumer les franchises d’assurance et ainsi éviter les cotisations spéciales salées ? Mais comment le gouvernement croit-il que ce fonds d’auto-assurance sera financé si ce n’est qu’en faisant une cotisation spéciale ou en augmentant le budget annuel ? C’est comme si je vous disais que pour vous protéger d’un drame « possible », je vais vous en causer un « certain et immédiat » en vous forçant à créer un fonds. Merci beaucoup, c’est trop aimable !
D’autres diront que les syndicats pourront utiliser le fonds pour indemniser eux-mêmes des sinistres en place et lieu de l’assureur avec ce fonds afin de maintenir leur dossier de sinistre en bon état. Super. C’est génial. C’est vrai qu’effectivement, c’est un choix que font parfois certains syndicats lorsque le sinistre est près du niveau de la franchise et que le bénéfice de réclamer à l’assureur ne serait que de quelques milliers de dollars en sus de la franchise. Par contre, on nous dit également qu’il faudra, lorsqu’on utilise le fonds pour ce type de situation, le renflouer puisqu’il doit y avoir dans celui-ci la valeur minimum que dictera le règlement gouvernemental à venir. En somme, ça ne change donc strictement rien à la réalité du syndicat, car il devra à la fin de l’année faire une cotisation spéciale pour renflouer son fonds d’auto-assurance au niveau minimal.
En somme, ce nouveau fonds m’apparaît uniquement être de l’argent qui sera immobilisé à des taux d’intérêt très bas, sans très grande utilité puisque lorsqu’on l’utilisera, il faudra le renflouer au niveau qui sera prévu dans le règlement à être établi par le gouvernement. Toutefois, peut-être que ce mécanisme vise indirectement à éviter que les syndicats n’augmentent trop leur franchise en dégât d’eau pour éviter d’avoir à immobiliser trop d’argent dans le fonds d’auto-assurance. Probable, mais je doute fort que cela n’aide quiconque dans ses enjeux d’assurance.
En effet, les immeubles qui ont des franchises d’assurance « déraisonnable » (100K, 250K, etc.) actuellement ne le font pas par choix, mais bien parce que c’est leur seule façon d’obtenir une couverture d’assurance dégât d’eau. En plus de ce drame, ils auront dorénavant à amasser un fonds d’auto-assurance qu’ils pourraient ne jamais avoir besoin et que s’ils ont besoin ils vont devoir renflouer. Donc je résume, si le drame se produit, il se produira 2 fois plutôt qu’une. Une fois au moment de la création du fonds d’auto-assurance et une seconde fois lorsqu’il faudra le renflouer puisqu’on aura utilisé l’argent pour payer la franchise liée au « vrai » drame. Merci pour l’aide. Franchement, on pourrait s’en passer.
J’aimerais donc porter à l’attention du gouvernement que bons nombre d’immeubles y vont d’opérations d’entretien préventif, de sensibilisation et agissent tout à fait diligemment pour améliorer la situation des dégâts d’eau. De leur apporter ce fardeau financier additionnel n’était réellement pas nécessaire. Ils sont encore en train de payer pour les nouvelles obligations liées à la loi 122, mais au moins celles-là visaient réellement de la prévention.
Si on veut aider au maintien du patrimoine bâti et valoriser ce mode d’habitation qu’est la copropriété, lequel me parait essentiel à la densification des villes, je pense qu’il faudrait sérieusement revoir les implications avant de forcer de telles obligations et surtout d’en faire des lois.
Vous pouvez lire également la solution que je propose dans un second article de blogue : “Une solution qui sort de la boîte : fonds d’auto-assurance et fonds de prévoyance”.
Élise Beauchesne, CPA, CA, Adm.A
Associée fondatrice
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Elise Beauchesne dit :
1 octobre 2019 À 20 h 12 min
Il faudrait consulter un avocat pour savoir l'impact que cela pourrait avoir. Je ne saurais vous dire la conséquence dans ce cas-ci de ne pas respecter la loi, notamment lors du moment de la vente de l'une ou l'autre des unités de condo.
Jean-marie delavalle dit :
23 septembre 2019 À 11 h 09 min
Qu arrive t il si on ne veux pas cotiser(et que les autres copropriaiteres sont d 'accord?(suis dans un bloc de 4 condos).merci.
Jacqueline Léonard dit :
25 mars 2019 À 16 h 45 min
Je suis copropriétaire d’un condo. Je comprends bien mal la loi 141. En fait, nous avons 2 syndicats. Un syndicat horizontal pour l’ensemble des 30 copropriétaires pour les aires communes (stationnement, gazon, piscine). Et un syndicat vertical pour les 18 copropriétaires des condos. Les 12 autres copropriétaires sont ceux des maisons de ville et font parties du syndicat horizontal seulement. Tandis que les condos font partie de 2 syndicats (horizontal et vertical). Vous me suivez? Imaginez la complexité du fonds d’assurance. Chaque bâtiment condo comprend 3 unités. Il y a 6 bâtiments. Chaque bâtiment condo a son propre syndicat vertical. Et pour les 12 maisons de ville, elles sont liées au syndicat horizontal seulement. Le dossier Assurance est géré par le syndicat horizontal. Si on
doit créer un fonds d’assurance, cela voudra dire que chaque syndicat vertical devra avoir 5,000$ (notre franchise dégât d’eau). Et le syndicat horizontal lui devra avoir 5,000$ aussi. Et qu’advient-il lors de la vente d’un condo? Si le 5,000$ est toujours non utilisé, on le divise au prorata et le nouvel acheteur devra débourser pour renflouer le fonds? Et comme vous dites , si on utilise le fonds pour couvrir la franchise, on doit le renflouer? Ben voyons donc. Combien d’argent devrais-je mettre de côté? Alors qu’on sait bien que le commun des mortels peine à épargner. Et quant à obliger les administrateurs à être des professionnels, vaudrait peut-être penser à devenir locataire.
Jean Morissette dit :
28 octobre 2018 À 2 h 23 min
Totalement d'accord, règlement inutile mis de l'avant par des intervenants qui n'y comprennent rien.
Idem pour le corporatisme qui exige des titres professionnels pour les administrateurs, peu importe la taille du syndicat - encore des coûts additionnels et inutiles.
Salutations
Jean Morissette